« l’unique chose stable c’est le mouvement, partout et toujours. »
Jean Tinguely
LE PROJET OU L’IDEE DE (au moment du) DEPART
La veille du « grand départ » on me questionne :
« Putain t’as de la chance ! » « Tu pars quel jour, à quelle heure ? » « Ton itinéraire c’est quoi ? » « Le 8 février, tu seras où ? » « Tu vas naviguer tout seul ? » « pour les tempêtes, les pirates, tu fais quoi ? » « T’as pas peur ? » « Combien de jours tu vas rester en mer?» « Tu reviens quand ? » « Pourquoi tu pars ? » « C’est quoi ton projet ? »….
Je suis infoutu de répondre, car en fait ….Je crois bien ne pas avoir de projet.
J’ai tout simplement fait, pendant des années, du voyage en voilier un support de rêve.
Un rêve tourmondiste comme une médecine face aux difficultés d’une vie d’adulte. Une douce pensée positive que l’on nourrit de lectures, de promenades dans les ports, de contemplation de mer, de bruit de ressacs et de vagues.
Le rêve prend au fil du temps des formes concrètes, on s’éduque, on navigue en club, en copains, on achète un petit voilier de croisière côtière, on cabote un peu, bricole beaucoup …..ou pas……on devient un expert marin en devenir.
Puis….de fil en coque, sans trop savoir comment, on acquière un bateau de voyage, un vrai, solide, adapté au long cours, on l’équipe « tour du monde » avec les derniers sous.
Mais c’est au moment du départ que je mesure soudain à quel point le fantasme a pris le pas sur la réalité.……Flash ! …moment de lucidité.
Pourquoi je m’impose « ça » ? Je regoogelise une énième fois blogs et témoignages pour découvrir qu’il y a visiblement autant de bateaux que de raisons d’en faire.
Je n’ai aucune ambition « sportive » ni compétitive, pas de chalenge particulier, je n’ai pas envie d’affronter des mers périlleuses ou d’allonger les milles comme une performance, Je n’ai pas d’itinéraire précis, c’est en fonction de la saison et de la météo que je vais avancer, au meilleur moment. Aux allures portantes.
J’ai juste envie de baguenauder, suivre mon désir et mon intuition, glisser en équilibre sur l’eau et déguster la route tout en prenant mon temps, me laisser surprendre. Eloge d’une paresse salutaire. Désir d’aventure. Quête d’absolu….
J’ai conscience toutefois que ce voyage qui s’ordonne doit être utile au risque de n’être qu’une simple errance. Avoir un sens.
En voyage les rencontres sont souvent éphémères, en cela elles sont fortes en émotions, intenses d’amitié et d’intelligence. Depuis longtemps je suis attiré par le film documentaire et j’ai envie de raconter en images mon vagabondage, ces belles rencontres.
Sans prétention ethnologique je voudrais profiter de cet « état de grâce » pour tracer le portrait de l’autre, lui offrir la parole, révéler sa singularité. Plaider pour une reconnaissance une compréhension de nos différences culturelles et sociales, nos similitudes.
Prendre le temps d’écouter, d’échanger, d’apprendre et de se montrer solidaire.
Tout cela fait du bien parait il.
Bon vent à tous.
(Une jolie phrase de Bernard Moitessier qui est devenue l’adage de Voiles Sans Frontières l’ONG avec laquelle je débute mon périple pour une mission humanitaire au Sénégal.)
« Participer à l’évolution du monde par la transformation de nos rêves en actes créateurs ».