L’île de Goré est enfin en vue, Ouffenfin retrouve la plage de Hann, mouille devant le CVD, le Cercle de Voile de Dakar. Le Cercle de Voile de Dakar (CVD) est le havre quasi incontournable de tout navigateur en atterrissage au Sénégal.
Ce n’est pas une marina, mais un lieu de mouillage qui offre à terre de nombreux services aux équipages en escale.
« Cette marina est originale par son fonctionnement. En effet, c’est une association à but non lucratif dont les membres sont « nous-mêmes », les navigateurs TDM de passage et ceux qui résident sur place dans leur bateau. Elle existe depuis 1939 et à su exister jusqu’à nos jours. Elle fut un club nautique local très actif pendant de nombreuses années. Dans les années 1980 le CVD à reçu de fameux skippers comme Eric Tabarly, Loic Caradec, Florence Arthaud et bien d’autres navigateurs connus et moins connus à l’époque de la régate La Baule Dakar dans les années 1980. »
Extrait du site de l’association.
http://cvdakar.e-monsite.com/pages/qui-sommes-nous.html
Voilà pour la présentation. Je vais donc m’installer au mouillage pour un mois ou deux le temps de terminer un film pour VSF et …passer du bon temps avec mes amis sénégalais.
Les papiers de prolongation de séjour sont faits au pas de course, poste de police (mole 2) pour le visa et douanes pour le bateau (mole 10). (Prendre un taxi, appeler Mango, il connaît bien le parcours du « skipper combattant » et est hyper sympa). Il faut demander une autorisation d’importation temporaire du bateau, attendre l’autorisation et ce n’est pas fini…il faut passer par un transitaire pour l’autorisation définitive. Attendre, attendre, et payer… Une semaine de retard, c’est bakchich assuré, gaffe. Quel soulagement le jour où tout est en règle. On peut passer à autre chose en (presque) toute quiétude.
Le CVD est le sas d’entrée de Dakar.
Le lieu est clos, il offre une multitude de services, un club-house (avec une cheminée…on ne sait jamais) où il fait bon se retrouver entre marins et fidèles locaux. À ce stade du voyage, on a tout plein d’histoires à se raconter en sirotant la bière locale « la gazelle ». Le wifi (devenue la drogue de tout nomade) y est poussif, mais bien pratique. Un bar, des tables, canapé et fauteuils d’osier, on peut y commander à boire et à manger. Dans cette ambiance, enveloppé de musique sénégalaise, s’ignorer les uns les autres est impossible, les langues se dénouent, les amitiés se nouent.
L’espace est propice à l’organisation de fêtes. Noël, année nouvelle, baptême, on ne laisse pas passer une occasion de s’amuser.
Dans l’enceinte extérieure, des voyageurs ont laissé sur les murs leurs traces, peintures, légendes, dictons. Parfum d’aventure.
On y trouve un atelier de mécanique (c’est le royaume de Moussa qui m’aidera à changer mes batteries au meilleur prix) et même une voilerie. Nous sommes au Sénégal, le royaume de la débrouille, quel que soit votre problème, on trouvera une solution. Ton annexe est foutue…t’inquiètes…
Incontournables les Mamas…
On n’échappe pas aux Mamas drapées dans leurs boubous jovialement colorés.
Mama Tissus ou Sofi (on dit aussi Mama bijoux) :
Elle a son stand de bijoux entre deux arbres juste devant la baie, son stand de tissus un peu plus loin. L’oeil vif, elle repère le moindre mouvement sur l’eau. Une voile à l’horizon, un client potentiel, sourire. C’est une redoutable vendeuse, patiente, elle ne lâche pas prise. Je lui ai acheté, un pantalon et deux chemises sénégalaises, elle m’a recousu 5 boutons, reprisé une déchirure, confectionné 2 pavillons (drapeaux) un Sénégalais et un autre Cap Verdien. (pas facile le drapeau du Cap-Vert avec les étoiles). Je ne compte pas les babioles.
Mama Nougat.
Une bassine en fer-blanc remplie de nougats en équilibre sur la tête, chaque nouvel arrivant doit inéluctablement faire sa connaissance. Elle s’assoit à côté de toi, t’enveloppe de jovialité et finit par te vendre un ou plusieurs paquets de nougats, bien sûr, absolument indispensables à la suite de ton périple. Je ne mange pas de nougats (trop sucrés) et pourtant j’en ai à bord une sérieuse réserve.
Mama lessive ou Fatou.
Elle règne en maître sur une armée de bassines. Elle lave, pour quelques euros, le linge sale des équipages en escale. Ne vous fiez pas à son visage bougon, elle déborde d’humour façon « pince sans rire ». Elle rend un linge parfaitement plié et rangé. Son travail est exténuant, elle rêve d’une machine à laver pour « appuyer sur le bouton et pouvoir dormir… » dit elle.
Mama légume.
Mama légume se situe devant le portail d’entrée du CVD, ce qui lui permet de faire affaire aussi avec les gens de l’extérieur.
Leurs revenus sont faibles, pourtant, elles nourrissent ainsi leur famille et assurent la scolarité de leurs enfants.
Je peux citer également Mamadou et Moustapha, hommes tout terrain qui peuvent aller chercher les marins en annexe, transporter de l’eau, du gaz, nettoyer, gardienner les bateaux en l’absence de leurs propriétaires, et bien d’autres choses encore.
Si vous décidez de sortir le bateau de l’eau pour une petite toilette ou une réparation, pas de soucis, un chariot (qui en a vu d’autres…) et un câble le tire sur la plage. Et, pleins de bras disponible pour vous aider moyennant quelques francs CFA.
Voilà pour tout ce petit monde qui gravite autour du mouillage, pardon à ceux que je ne cite pas.
Sachez que leurs seuls revenus sont ceux générés par les services que vous leur demandez.
À l’extérieur de l’enceinte les premières rues de Dakar. Des gargotes aux tôles mal jointes où d’autres mamas accroupies à même le sol cuisinent Tieboudienne et mafé, des boutiques ou l’on trouve tout ou presque tout …pour peu qu’on le demande. Un cordonnier, des marchands de légumes ambulants, un marché aux poissons, extraordinaire, un sculpteur de rue, Sow, (l’autre Sow) dont je vais faire le portrait filmé. Voir : Visages/portraits
Et puis quelque chose que je vais avoir beaucoup de mal à décrire, c’est l’odeur, une odeur qui semble de dégager du continent tout entier. Une odeur envoûtante, l’esprit de l’Afrique. J’ai commencé à en sentir les effets au large de la Mauritanie, portée en intermittence par les vents de terre, les premiers alizés. Un mélange chaud, de terre, de sable, épais comme des effluves d’encens.
Il faut éviter de se situer trop près du bord, on ne sait jamais, j’ai choisi un emplacement à bonne distance de la plage hors de portée d’un nageur moyen. Le matin et le soir se croisent autour du bateau des pirogues de pêcheurs qui vont et viennent pour alimenter une partie du marché aux poissons. Au-dessus, attirés par les pécheurs, des Milans tournoient. Il n’est pas rare de trouver, sur le bateau ou au sol, des tronçons de poisson qu’ils laissent tomber en vol.
Les vents soufflent de manière constante (sauf exception) d’est, nord-est, nord. En hiver, le vent du nord est chargé de poussières jaunes, grises. C’est l’harmatan. Il serait responsable de plusieurs pathologies, rhumes, affections pulmonaires et même bacille de Koch. Comme il ne pleut pas en cette période, le bateau est très vite recouvert d’un voile jaunâtre. Le sable s’infiltre partout, il est nécessaire de protéger les voiles si l’on ne veut pas les retrouver couleur parchemin.
Pas de houle, la baie est bien protégée, par contre le vent peut forcir et monter à 30 noeuds et plus (environ 60 km/h) dans les alizés. Heureusement, les fonds sont de très bonne tenue.
La plage de Hann, en face du mouillage, était, paraît-il, l’une des plus belles plages de Dakar. Un paradis disent les anciens. Ce n’est malheureusement plus le cas, un canal déverse non loin de là des eaux usées aux émanations nauséabondes. À l’origine, ce canal devait servir uniquement à l’évacuation des eaux de pluie. La population de Dakar n’a pas cessé depuis d’augmenter, le réseau d’égout n’a pas suivi, les eaux usées grises et noires se sont mélangées aux eaux de ruissellement. Le canal qui coule en plein air en est saturé. On l’appelle complaisamment « rio merdo ». Pour des raisons d’hygiène, interdis de faire trempette à proximité.
Beaucoup de bateaux français autour de moi, dont une majorité de bateaux « Bretons ». Cela m’agace et pour me différencier, bien que je ne sois pas un fanatique de la bannière, je hisse le drapeau basque pour bien marquer à mon tour mes origines ethniques…y’a pas de raisons. Un matin, je découvre un bateau arrivé au petit matin. C’est Jujube, un Basque pur jus qui a repéré le drapeau et est venu mouiller à côté de moi. Il arrive de Bayonne. Un bon copain de plus, chic !
Un village flottant éphémère qui se retrouve, tous les soirs, en annexe, ensemble au club house. (boire la « gazelle »).