Nghadior

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Nghadior

La mission VSF est terminée.
Je suis de nouveau à demeure sur mon bateau mouillé (ancré) au milieu du bolon (un des bras du delta) doucement ballotté au gré des marées. Il va falloir se préparer à revenir sur Dakar pour se mettre en règle vis-à-vis des douanes.

Parfois en fin de journée Seydou, qui est le coordinateur local de VSF, fait une halte avant de rentrer dans son village. Je lui offre un café, des biscuits bretons qu’il adore, on plaisante amicalement, complices.
Il me propose de passer une journée dans son village Nghadior, j’accepte avec plaisir.
Une fois encore je ne peux accéder qu’en annexe au village. Mon bateau, bien que n’ayant qu’un mètre 20 de tirant d’eau, risque de s’envaser en approche. Tout en longeant la mangrove, il faut suivre le bolon principal, être très attentif, compter les bras, prendre la bonne bifurcation, il n’y a pas de panneaux indicateurs ni de cartes. Je m’applique.
Le bolon se rétrécit, s’élargit de nouveau en « étang », je croise des cases traditionnelles puis des maisons en dur, le village est là.
À peine débarqué, je sens que l’accueil est sympathique. Plus que ça…

Comment vous dire…….
Autour de moi tout est sourire et confiance. Un sentiment de bonheur, de plénitude irradie sur moi, je me sens apaisé.

C’est vrai que je suis l’ami de Seydou, je suis invité et attendu, ça aide.
p1140342Accompagné de Seydou et d’une ribambelle de gamins délurés, je me promène dans le village. Ma présence amuse beaucoup les enfants, ils se collent à moi, me prennent par la main pour me guider, leurs sourires sont extraordinaires, ils ont de la lumière dans les yeux. On les sent libres de s’ébattre en tous lieux, sans crainte, sous le regard bienveillant des adultes.
p1140314Les espaces de circulation tournent autour des maisons, on ne distingue ni rue ni place. Le débarcadère et le petit château d’eau qui le jouxte sont le point de convergence vers lequel se dirigent et repartent habitants et animaux (vaches, chèvres, poules).

p1140323Le problème de l’eau (le manque d’eau) est crucial dans le Saloum.
Nghadior est une exception, il possède un puits d’eau douce. Celui-ci ne fonctionne qu’au milieu de l’après-midi, en effet le petit château d’eau est alimenté par des panneaux solaires qui ne délivrent de l’électricité que lorsque les batteries sont à pleine charge. Il faut attendre, il faut faire la queue dès le début de l’après-midi. Les femmes disposent par p1140376ordre d’arrivée leurs bidons et bassines le long d’une file d’attente. Une fois les vannes ouvertes tout le monde reprend sa place et se sert au fur et à mesure. On se provisionne jusqu’au lendemain suivant.
Le château d’eau situé près du débarcadère accueille aussi les pirogues des villages voisins chargés à ras bord de bidons. Je crois reconnaître vlcsnap-2016-09-28-15h15m09s65une pirogue de Bassoul. A Bassoul l’eau douce est saumâtre et impropre à la consommation. (l’eau des bolons est fortement salée). Le voyage d’un village à l’autre, le remplissage des bidons et le retour doit bien prendre l’après-midi dans le meilleur des cas.
VSF a beaucoup fait pour aider à la construction de cuves récupérateur d’eau durant la saison des pluies de juillet à septembre (curieusement vlcsnap-2016-09-28-13h02m50s72appelé hivernage). Mais cela ne suffit généralement pas à couvrir tous les besoins. Beaucoup de maladies sont liées au manque d’eau potable.
J’imagine des solutions possibles, peu onéreuses, de dessalinisation d’eau de mer à partir de structures qui fonctionneraient au soleil comme des étuves. Seydou me dit que le gouvernement sénégalais a comme projet d’alimenter le Saloum par un réseau de châteaux d’eau… mais cela coûte cher et ne semble pas possible dans l’immédiat…oui… Cela coûte cher.

On comprend que dans ces conditions de vie épineuse la solidarité entre les membres d’une même communauté est nécessaire à la survie de tous. Ce village marche à l’unisson, l’entraide y est naturelle.

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On m’interpelle sur mon chemin pour me proposer du thé ou un verre de bissap (boisson faite à partir des fleurs d’hibiscus séchés), on me donne la meilleure place à l’ombre.

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vlcsnap-2016-09-27-18h55m35s140Je retrouve plus loin le pêcheur qui relevait ses filets près de mon bateau. J’allais en annexe lui acheter directement du poisson. Il me reconnaît et semble, comme moi, ravi de me revoir. Assis sur un tas de
filets en réparation il m’invite à repriser les mailles et m’apprend. Je passe un excellent moment en sa compagnie et celle de ses amis venus pour l’aider. Zénitude.

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Je suis invité à manger une version du thiéboudienne au couscous de mil. On mange entre hommes , les femmes mangent à part. La cuisine est faite par une tante qui produit la quantité suffisante pour 3 ou 4 familles.

p1140391Assis sur le « perron » de la maison de Seydou, j’observe la rue. Une jeune femme sort de la maison, elle dispose un mortier et deux pilons à côté d’elle. On lui amène une grande bassine de mil. Elle commence à piller. Je me dis que vu la quantité de mil cela va être un travail épuisant.
À peine 5 minutes plus tard, une femme s’arrête, prend le deuxième pilon et pille en rythme avec elle. Une troisième prend le pilon et la remplace. Tout en travaillant, elles se racontent des histoires, rient et papotent à p1140406vlcsnap-2016-09-28-13h01m52s241vlcsnap-2016-09-28-13h00m01s119tout va. Au fur et à mesure des passages, il y aura une ronde d’une dizaine de femmes qui vont piller le mil à tour de rôle dans une grande ambiance de convivialité.
Une demi-heure plus tard, sans effort, en plein passage, la grande bassine est pleine de mil pillé.
Je pense tenir là une image symbolique de l’entente et de la cohésion sociale au sein de la communauté villageoise.
J’ai filmé de mon poste toute la scène, vous trouverez le film dans la partie documentaire.

J’éprouve le désir de rester, m’installer ici au bord de l’eau, au fil du temps, de vivre en harmonie au coeur d’une communauté paisible.

Ce doit être ça la magie de l’Afrique.

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